Wednesday, July 12, 2006

Le rêve de la mandragore


à Henry Miller

La Lune est un masque d'opium. Quand elle éclate, les volcans célèbrent la nuit des mondes. Tahiti n'est plus loin, où Gauguin se nourrissait de racines. La mer dessine des vagues immenses qui emportent les étoiles. Un orage recouvre le monde. Les cloches tibétaines se marient aux tambours de guerre et la musique des années folles retentit comme un bris de vitres. Mille voix se lèvent ensemble. Les mains claquent. Les hommes jaunes chantent toute la nuit. Les hommes rouges dansent. Les foules acclament un nouveau dieu. La peau d'un cauchemar danse comme un astre noir. Les cartes parlent d'un homme bleu, d'un magicien de verre qui a perdu sa tête dans l'obscurité. Et la foule piétine l'astrologue.
Je ploie sous le poids des montagnes et des mers. Je rêve d'une jeune femme, en Chine, sur une jonque qui parcourt le monde. Elle contemple les tempêtes, les océans en fureur. Elle pénètre dans la transparence liquide et fait sonner les cloches des cathédrales joyeuses. Des toiles d'araignée lui embrument l'esprit. Un homme gît au plafond. Des rêves troublent son sommeil comme un brouillard plein de résonances et de cris de fous. La jeune femme à présent parcourt une rue inconnue et muette. Les arbres luisent comme des mains ensoleillées. La vie rayonne comme une étoile perdue au fond de la nuit...
... aventure magique, buée sur le miroir de l'astrologue. Le vent souffle sur le lit vide. Deux colombes se détachent du ciel. Au bord du rêve, je vois
une toile infinie qui s'étend sur le soleil et se replie dans la matrice de l'univers.
Arlon
1991-1992

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